Préface de Mr. ChabaneBourhane, - syndicaliste, poète
et romancier Comorien.
Les
mots sont faibles et pauvres pour exprimer ce que je ressens en lisant le
résumé du « Prix de la parole ». J'ai eu la même émotion avec la lecture
du livre de Nadia Murad « le prix d'être humain ». Que penseriez-vous si je vous dis que ce livre est un ensemble de mots et non d'idées ? Des mots attachants
par leur beauté émouvante. Des mots qui exposent, avec finesse, les terreurs inhérentes à nos mœurs et
traditions, souvent perçues comme obstacle à l'émancipation au bonheur humain.
Des mots doux, qui réveillent une émotion glacée au sujet des violences faites
aux femmes. Des mots tendres et attachants, lorsqu'ils évoquent l'amour des siens.
Des mots qui
exposent de façon rationnelle l'importance de l'éducation dans notre société.
Des mots poétiques qu' « on le cherche de loin dans l'avenir
immense ».
L'auteur,
Mwandzewuma Papa Claude est né à Mitsamiouli, une ville touristique située sur la côte nord de la
Grande Comores. Là -bas, Plages, fleurs, soleil et lune se croisent, rythmant
la vie entre éclipses et aurores.
L'océan y est
omniprésent, lueur d'une économie bleue en devenir. La population vit au rythme
du commerce, de la pêche, et est
fortement éduquée et civilisée. C'est la ville du premier président de
l'autonomie interne des Comores, le premier médecin et Docteur Comorien, feu
Saïd Mohamed Cheikh.
Sur le sable, les pieds dans l'eau,
seul face à l'horizon, les mots peignent la beauté. Comme la baleine, j'ai
longtemps réfléchi avant de sortir ma tête de l'eau et écrire cette préface.
Dans la solitude de l'écriture à la Marguerite
Duras, je suis confronté à ma
propre réalité. J'ai vu se dessiner au fur et
à mesure que la lecture de ce roman me fait balader dans ses exutoires,
mon propre miroir.
L'histoire
dépeint un enfant citadin, écolier qui apprend
la langue des blancs et se
heurte à la dureté des mœurs et des coutumes. Des traditions qui marginalisent
ceux qui s'aventurent à vouloir
dessiner le renouveau artistique. Au Bangwé, la hiérarchie andanesque est minutieusement
respectée, une forme de dictature que tente de déroger le personnage de Mwalimu malgré l'orthodoxie des mœurs.
Le grand
mariage, avec ses démons, cultive avec
aisance le paraître en oubliant au passage l'être, sa dignité et son respect.
L'Anda, jadis symbole d'honneur, son nom s'est transformé en stupeur ou
l'indignité brille. La ville de
Kotabu me rappelle mon propre village natal. Je me reconnais en Mwana. Ce jeune se bat pour les autres : un héros, au milieu des colosses fragiles.
L'auteur nous entraîne dans un voyage poignant ou réalités et malheurs se
côtoient dans une atmosphère de rupture, mais aussi d'espoir.
La société
comorienne, telle qu'elle est décrite ici, est habitée par une sorte
d'ignorance, de sorcellerie, de mensonge, d'inculte, de violence. Le notable,
couronné par le grand mariage,
semble plonger dans un monde où savoirs et connaissances sont bannis. Certains
intellectuels plongent également dans ce monde et n'agissent que pour leur
intérêt personnel.
Ce roman
rénovateur, me laisse perplexe de la suite que le lecteur donnera. Il ne s'agit
pas ici de lire cette œuvre écrite avec humilité, d'une qualité rare et rester inerte. Non, c'est un livre avant-gardiste, porteur d'espoir et de mutation. Une
main tendue au progrès, à l'espoir. Un livre qui incite le lecteur à réagir, à rebondir, à faire un
saut vers l'avenir : « Demain est un jour heureux » telle est l'inspiration que
l'auteur nous offre.
Ce livre,
rédigé avec une rare beauté et une profonde humanité, conscientise la jeunesse
et au-delà. Il réveille l'espoir, non pour le pire, mais pour le meilleur.
C'est une lueur sur cette beauté de l'horizon à l'aurore, et ce lampadaire
continuera de guider nos pas.